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Les débuts de la dictature du prolétariat
Si la prise de pouvoir avait pu paraître « aisée » bien plus difficile fut l’exercice du pouvoir et ce dès le début. Il fallut tout d’abord se battre pour étendre le jeune pouvoir révolutionnaire. Si Petrograd était tombé en un jour, Moscou devient le théâtre d’affrontements sanglants (les bolchéviks durent un temps se replier dans les faubourgs ouvriers), nécessitant l’envoi de renforts. Les vestiges du gouvernement provisoire n’étaient pas les seuls adversaires. Les socialistes révolutionnaires de droite qui avaient quittés le congrès des Soviet face au « coup de force » bolchévik appellent à la résistance contre les « usurpateurs » et constituent un Comité de Salut de la patrie.
Ils arrivent à armer des élèves-officiers à Pétrograd qui parviennent un temps à faire vaciller le nouveau pouvoir (le 29 Octobre ils tentent de s’emparer du Smolny). Il faut l’intervention des marins de Cronstadt pour rétablir la situation. Kérenski qui s’était enfui avant la prise du palais d’hiver avait tenté de revenir en force en rameutant des unités cosaques vers la capitale. Le général Krasnov est défait le 30 Octobre aux portes de la ville mais la situation reste précaire dans le reste du pays.
Sur d’autres fronts les bolchéviks sont mis en difficulté par les opérations de sabotage menées par les menchéviks. Dès le premier jour du gouvernement une grève paralyse les ministères. Aucun fonctionnaire ne veut travailler pour le nouveau pouvoir. Les cheminots du puissant syndicat « Vikjel » menacent de faire grève et donc de bloquer l’envoi de troupes pour Moscou. Ils réclament la fin de la « guerre fratricide » entre les différents partis et la constitution d’un gouvernement « démocratique » représentant toutes les tendances. Cela aurait revenu à remettre sur pied le gouvernement Kérenski sans Kérenski ! Face à cet ultimatum une partie du comité central cède face aux manigances de Kamenev (alors président du comité exécutif du Soviet) qui tente de revenir sur les effets de la révolution d’Octobre et d’écarter Lénine. Il est finalement battu et contraint à céder son poste à Sverdlov. Les commissaires Rykov (intérieur), Milioutine (agriculture), Noguine (commerce et industrie) et Zinoviev se démettent de leurs fonctions. C’est la plus grave crise interne qu’est connue le parti bolchévik.
Face à cette situation d’urgence des mesures radicales furent prises :
-interdiction de la plupart des journaux qui accablaient le gouvernement d’injures et de sarcasmes.
-sanctions sévères à l’encontre des grévistes « bourgeois » dans les ministères et les administrations.
-le 7 décembre création de la Tcheka.
-le 5 janvier 1918 dissolution de l’Assemblée constituante à majorité anti-bolchévik.
-interdiction progressive de tous les autres partis au cours de l’année 1918.
Sans rentrer trop dans les détails, ce qui se produit pour les bolchéviks dans ses premiers mois c’est l’apprentissage douloureux et parfois sanglant de l’exercice du pouvoir. C’est aussi la fin de certaines utopies. En effet la révolution d’Octobre avait engendré de grandes espérances. Elle était annonciatrice de l’émancipation de l’humanité toute entière, le début d’une révolution mondiale qui abolirait les frontières, les Etats, les rapports mercantiles et tout appareil coercitif. Après 4 années d’une boucherie sans nom et de souffrances inimaginables l’avenir s’annonçait radieux. Que la réalité apparu bien médiocre et détestable pour de nombreux bolchéviks, y compris de la première heure. Le grand paradoxe c’est que ce sont les partisans de « l’extinction de l’Etat » qui durent s’employer pour au contraire renforcer l’Etat et même en bâtir un nouveau.
Chronologie :
23 février : les ouvrières de Vyborg entrent en grève et viennent défiler à Pétrograd. Elles sont rejointes par des centaines de milliers d’ouvriers dans les jours qui suivent.
26 février : Nicolas II ordonne aux soldats de tirer dans la foule, 40 morts. Dans la nuit la garnison de Petrograd se mutine et rejoint les insurgés.
27 février : La manifestation se dirige vers le palais de Tauride, où siège la Douma, et forme le soviet de Petrograd.
1er mars : ordre numéro 1 du soviet de Petrograd qui invite les soldats à élire les comités et met l’armée sous le contrôle des soviets.
2 mars : Abdication du tsar Nicolas II. Premier gouvernement provisoire, présidé par le prince Lvov et approuvé par la « double pouvoir » de la Douma et du soviet.
6 mars : Le gouvernement provisoire s’engage à respecter les accords contractés avec les Alliés et à mener la guerre jusqu’à la victoire.
11 mars : Reconnaissance du gouvernement provisoire par les Alliés.
14 mars : Appel du Soviet aux peuples du monde entier en faveur d’une paix sans annexions ni contributions.
3 avril : retour en Russie de Lénine.
18 avril : Note de Milioukov aux Alliés réaffirmant les engagements de la Russie
20-21 avril : manifestation d’ouvriers et de soldats contre la politique extérieure du gouvernement
5 mai : Formation du deuxième gouvernement provisoire (Kérenski)
3 juin : Ier Congrès panrusse des soviets
18 juin : Début d’une offensive russe qui se termine en désastre.
3-4 juillet : Violente manifestation populaire contre le gouvernement provisoire et le soviet de Petrograd. Le mouvement est réprimé.
27 août : Echec du putsch du général Kornilov grâce à l’action des militants bolchéviques.
9 septembre : Trotski devient président du soviet de Petrograd.
10 octobre : le comité central du parti bolchévique vote l’insurrection
Nuit du 24-25 octobre : Révolution d’Octobre. Prise du Palais d’Hiver. Ouverture du IIe Congrès panrusse des soviets.
Ce texte est issu des journées de formation. Il a été réalisé par des camarades marxistes-léninistes de Pau.
Préparation de la révolution et prise du pouvoir par les bolchéviks
Si la révolution est impossible sans situation révolutionnaire, toute situation révolutionnaire ne produit pas mécaniquement une révolution. Tous les éléments objectifs peuvent être rassemblés de façon favorable mais la révolution peut ne pas se déclencher. Il faut pour cela, par-dessus les changements objectifs, un changement subjectif :
« La révolution ne surgit pas de toute situation révolutionnaire, mais seulement dans le cas où, à tous les changements objectifs énumérés, vient s’ajouter un changement subjectif, à savoir : la capacité, en ce qui concerne la classe révolutionnaire, de mener des actions de masse assez vigoureuses pour briser complètement l’ancien gouvernement, qui ne tombera jamais, même à l’époque des crises, si on ne le fait choir. » (Lénine, La Faillite de la Seconde Internationale).
Dire qu'une telle situation est indépendante de la volonté des partis (voir point 1) ne signifie pas que l'activité des partis n'a aucune influence sur la transition vers une période révolutionnaire.
Une situation révolutionnaire ne tombe pas du ciel, elle se forme dans la lutte des classes. Le parti du prolétariat est le plus important facteur politique quant à la formation d'une situation révolutionnaire. Sans l’action d’un parti révolutionnaire trempé dans la lutte et ayant une vision claire des évènements il ne peut avoir de révolution. Car c’est le rôle du parti que de gagner à lui, non seulement l’avant-garde du prolétariat, mais aussi les masses (ou du moins faire en sorte qu’elles ne soutiennent plus l’ordre ancien) à l’idée révolutionnaire et au socialisme. Or la conscience socialiste n’est pas quelque chose qui apparaît spontanément au sein de la classe ouvrière, bien au contraire.
En effet, selon la célèbre expression de Kautsky « la conscience socialiste est un élément importé du dehors dans la lutte de classe du prolétariat et non quelque chose qui en surgit spontanément ». Kautsky défend, en effet, la thèse que le socialisme est une science, que la classe ouvrière ne possède pas d’elle-même. La théorie socialiste doit donc être importée de l’extérieur, ce qui était la tâche des intellectuels socialistes (pas isolément mais dans le cadre du parti). Pour Lénine, le parti communiste est une organisation d’avant-garde possédant une analyse scientifique de l’évolution du système capitaliste et de la manière de transformer la lutte de classe en une lutte politique pour le pouvoir et dont le noyau dur sait « comment s’y prendre et ce qu’il faut pour cela » (Que Faire ? 1902). Le développement de la conscience politique de la classe ouvrière ne dépend pas seulement du déroulement des grèves ou de l’attitude des ouvriers envers le gouvernement, mais aussi - et surtout - de la propagande et de l’agitation dans toutes les couches du peuple.
Cependant pour parvenir à ce que l’ensemble du prolétariat soit convaincu et prêt à l’insurrection les seules méthodes de propagande et d’agitation, la seule répétition des vérités du communisme « pur » ne suffisent plus.
Or, pour que vraiment la classe tout entière, pour que vraiment les grandes masses de travailleurs et d'opprimés du Capital en arrivent à une telle position, la propagande seule, l'agitation seule ne suffisent pas. Pour cela, il faut que ces masses fassent leur propre expérience politique. Telle est la loi fondamentale de toutes les grandes révolutions
Lénine, La maladie infantile du communisme
Le degré de maturité de la classe révolutionnaire et du choix du moment décisif pour engager la bataille se mesure à l’aune de trois critères :
1 que toutes les forces de classe qui nous sont hostiles soient suffisamment en difficulté, se soient suffisamment entre-déchirées, soient suffisamment affaiblies par une lutte au-dessus de leurs moyens
2 que tous les éléments intermédiaires, hésitants, chancelants, inconstants - la petite bourgeoisie, la démocratie petite-bourgeoise par opposition à la bourgeoisie - se soient suffisamment démasqués aux yeux du peuple, suffisamment déshonorés par leur faillite pratique
3 qu'au sein du prolétariat un puissant mouvement d'opinion se fasse jour en faveur de l'action la plus décisive, la plus résolument hardie et révolutionnaire contre la bourgeoisie.
C'est alors que la révolution est mûre ; c'est alors que, si nous avons bien tenu compte de toutes les conditions indiquées, sommairement esquissées plus haut, et si nous avons bien choisi le moment, notre victoire est assurée.
Comment le parti bolchévik a-t-il entrainé l’ensemble de la classe ouvrière vers la victoire ? Quels ont été les moyens utilisés ?
Lorsque éclate la révolution de Février le parti bolchévik compte à peine 40 à 45 000 membres (10 à 15 000 dans la capitale). Le parti a beaucoup souffert de la contre-révolution et du reflux du mouvement révolutionnaire entre 1907 et 1912. De plus c’est un parti décapité en son sommet : Lénine et Zinoviev sont isolés en Suisse pendant toute la guerre (et quasiment laissés sans informations de la situation du parti), les dirigeants du parti pour la Russie sont quant à eux pour la plupart déportés en Sibérie (Staline, Sverdlov, Kamenev). Dans l’ensemble le comité central du parti bolchévik désigné à la conférence de Prague en 1912 est décimé du fait de la présence en son sein d’un agent double de l’Okhrana (la police secrète du Tsar). Cependant, en dépit de ses difficultés, le parti bolchévik conserve de solides appuis au sein du prolétariat industriel des grandes villes (Petrograd, Moscou) et dans certaines régions de province (Oural). Ces militants sont expérimentés, endurcis par des années de lutte et jouissent toujours d’une grande réputation auprès des ouvriers.
La fin du tsarisme et la possibilité pour la première fois de sortir de l’illégalité va donner un coup de fouet à l’activité de propagande et d’agitation. L’audience des publications bolchéviques ne va pas cesser de croître, de même que les effectifs : 80 000 dès le mois d’Avril, 240 000 en Juillet, 500 000 en Octobre. Car tout parti révolutionnaire se doit de maîtriser toutes les formes de la lutte, être en capacité de passer de l’action légale à l’illégalité et inversement. Car dans un premier temps l’insurrection n’était pas à l’ordre du jour. Il fallait réaliser auprès des masses un travail patient d’éclaircissement et de recrutement, conquérir la majorité des soviets, modifier leur politique. En effet au début de la révolution la majorité des masses soutenait le gouvernement provisoire et le Soviet de Pétrograd à majorité menchévik et socialiste-révolutionnaire. Pour quelles raisons ?
Pour la première fois de son histoire, des millions d’hommes non-initiés à la politique se sont éveillés à la politique (en témoigne la floraison de journaux, associations, clubs, cercles….). C’était pour la plupart des petits paysans, des ouvriers récemment arrivés de leur campagne (venu remplacer les 40% d’ouvriers incorporés aux armés), pétris d’une mentalité petite-bourgeoise. Une vague petite-bourgeoise avait tout submergé, écrasé par le nombre et l’idéologie le prolétariat conscient mais aussi contaminé de nombreux ouvriers. C’est pourquoi les masses populaires se trouvèrent au début de la révolution sous la coupe des partis conciliateurs. Voilà pourquoi elles concédèrent le pouvoir au gouvernement bourgeois.
Cependant Lénine avait bien compris que cette « lune de miel » ne durerait pas, que le gouvernement provisoire, pétris de contradiction, et menant fondamentalement une politique en faveur de la classe bourgeoise, ne tarderait pas rapidement à dévoiler sa vraie nature. Quant aux partis modérés ils s’enfonceraient irrémédiablement dans la collaboration de classe et sombreraient avec le gouvernement. Il fallait donc que le parti se mette à la tête des masses qui perdraient leur confiance dans les menchéviks, les socialistes-révolutionnaires et la bourgeoisie libérale.
Lénine fait triompher sa stratégie (pas de soutien au gouvernement provisoire, militer pour le transfert du pouvoir aux soviets, révision du programme du parti) face à l’aile droite du parti qui considère que la révolution socialiste n’est pas à l’ordre du jour (Kamenev, Zinoviev) et à l’aile gauche qui veut lancer l’insurrection sans attendre (le comité de Petrograd et les têtes brûlés comme Bagdatiev). Les résultats ne se font pas attendre :
- Le 20-21 avril 100 000 personnes à Pétrograd, indignées de la note Milioukov, descendent dans la rue pour manifester. Déjà les mots d’ordre des bolchéviks sont repris : « A bas la guerre », « Tout le pouvoir aux Soviets ».
-Lors de la conférence nationale du Parti en Avril deux dispositions importantes furent adoptées. Le Parti se prononçait pour la nationalisation des terres et confiscation des grands domaines et leur remise à disposition des comités paysans. Les bolchéviks se présentaient ainsi comme les seuls qui pouvaient donner satisfaction aux revendications des masses paysannes. De plus la conférence se prononça pour le soutien aux mouvements de libération nationale des peuples opprimés (droit des nations à disposer d’elles-mêmes). Cela lui value la sympathie et le soutien des nationalités opprimées.
- Lors de la manifestation du 18 juin pour exposer les revendications des masses au congrès des Soviets les bolchéviks dominent la manifestation et mettent les conciliateurs en minorité, preuve du progrès de l’esprit révolutionnaire des masses.
-Intensification de la propagande dans les armées (il existe même un journal bolchévik du front, « La vérité des tranchées »). Pour le parti la guerre en cours est toujours une guerre impérialiste. La conquête des soldats à la cause révolutionnaire s’avère essentielle. Le manque de soutien de l’armée avait été une des causes principales de la défaite de la révolution de 1905. La garnison de Petrograd (160 000 hommes) et la flotte de la Baltique sont particulièrement touchées par les idées léninistes. Les idées bolchéviques commencent aussi à pénétrer massivement les soldats au front, désespérés par une guerre qui semble sans fin, inquiets quant à la tournure de la révolution (rétablissement de la discipline militaire, officiers qui s’organisent pour la contre-révolution…etc).
Le lancement de la dernière offensive de l’armée russe sous l’impulsion de Kérenski en juin 1917 marque le chant du cygne du gouvernement provisoire et le ralliement de plus en plus massif de l’armée aux idées bolchéviques (ou du moins à l’idée que ce font les soldats du bolchévisme).
-l’échec de l’offensive Kérenski (à partir du début du mois de Juillet) met en ébullition les casernes et les usines de Petrograd. Le 1er régiment de mitrailleurs, totalement bolchévisé, décide de son propre chef de renverser le gouvernement provisoire. Il envoie des délégués à d’autres régiments bolchéviks et demandent de l’appui auprès des ouvriers. Les marins de Cronstadt répondirent aussi à l’appel. Les membres du comité central (Staline, Sverdlov) et les dirigeants de l’organisation de Petrograd tentent d’arrêter le mouvement mais rien n’y fait. Mis devant le fait accompli le Parti décide de se mettre à la tête du mouvement et de remplacer l’insurrection par une simple manifestation le 3 juillet en faveur du passage du pouvoir au Soviet. Ce mouvement suscite d’emblée une forte réaction de la part de Kérenski, il croit avoir trouvé le casus belli idéal pour se débarrasser des bolchéviks : répression, envoi de troupes fidèles à Petrograd, interdiction de la Pravda, rétablissement des châtiments dans l’armée (peine de mort), mandat d’arrêt contre Lénine le 7 juillet (il est exfiltré vers la Finlande par Staline), arrestation de Kamenev…etc. Le parti replonge dans la quasi illégalité mais ne perd pas ses positions bien au contraire (forte poussée à gauche et indignation contre le sort subi par les bolchéviks, scission des socialistes-révolutionnaires). Cependant l’avertissement est cinglant et la leçon rude : le temps des manifestations pacifiques est terminé, la prochaine fois que l’on appellera à la mobilisation des ouvriers et des soldats cela sera pour la prise de pouvoir. Le pouvoir ne peut se transmettre pacifiquement, il se prend par la force des armes.
-Le parti bolchévik revient sur le devant de la scène et montre sa force à l’occasion du putsch manqué du général Kornilov. Ce dernier était devenu l’idole de la contre-révolution. Fort du soutien des monarchistes, de la bourgeoisie, des magnats russes, des capitalistes anglo-français il voulait abattre les soviets et les comités, restaurer l’ordre, imposer un pouvoir autoritaire qui seul pourrait continuer la guerre. Le 25 août il lança le 3e corps de cavalerie contre Petrograd pour prendre le pouvoir. Les bolchéviks firent échec au coup d’Etat en mobilisant les ouvriers, syndicats, gardes rouges, troupes de la capitale, marins…etc. Des délégués et des agitateurs furent envoyés auprès des troupes putschistes et parvinrent à les convaincre de rebrousser chemin. Kérenski n’avait dû son salut qu’à l’intervention des bolchéviks, qui désormais devenaient la force principale.
A partir de cet instant le pouvoir du gouvernement provisoire s’effondre irrémédiablement. Des centaines de milliers de soldats (n’ayant plus confiance dans leurs chefs après le putsch) désertent et rentrent dans leur campagne. On assiste à la désintégration de l’armée. Le pouvoir perd son principal instrument de répression et de contrôle. Dans les campagnes ces flux de déserteurs amorcent des jacqueries contre l’aristocratie et les grands propriétaires fonciers. Les officiers sont pris à parti par leurs soldats et sont assassinés ou victimes de violences. Le chaos et l’anarchie commence à gagner le pays tout entier.
A Petrograd les bolchéviks poursuivent leur marche en avant vers le pouvoir. Ils s’assurent la majorité au soviet de Petrograd et de Moscou. Le nombre de délégués bolchéviks en province ne cessent de croître, preuve de la popularité grandissante du parti. Pour Lénine le moment était venu, « la majorité du peuple est pour nous ». Le 10 octobre 1917 le comité central adopte la résolution qui décida d’engager prochainement l’insurrection armée. Le 16 Octobre une réunion élargie du comité central et des organisations de Petrograd confirme la décision malgré l’opposition véhémente de Kamenev et Zinoviev. Un comité militaire révolutionnaire est constitué et s’installe (comme le comité central) à l’institut Smolny. Sous l’impulsion décisive de Lénine l’insurrection est lancée dans la nuit du 24-25 Octobre. Les soldats et les ouvriers s’emparent des points stratégiques, des gares, du central téléphonique sans résistance ni effusion de sang. Au matin du 25 la ville est aux mains des Bolchéviks sauf le palais d’Hiver (où siège le gouvernement provisoire) qui ne tombe que la nuit suivante. Pendant ce temps c’était ouvert le IIe congrès panrusse des Soviets où les bolchéviks, alliés aux socialistes-révolutionnaires de gauche, disposaient de la majorité. Le Congrès adopta dans la foulée un décret sur la paix (armistice de 3 mois pour engager les pourparlers de paix + appel aux ouvriers des autres pays pour secourir et imiter l’exemple de la Russie) et sur la terre : La propriété foncière est abolie, pas d’indemnité, toutes les terres de l’Etat et de l’Eglise passent dans les mains des comités agraires et des soviets locaux des députés paysans (reproduction du programme des socialistes-révolutionnaires), l’instauration du contrôle ouvrier. Le congrès valide aussi la liste du nouveau gouvernement, le « Conseil des commissaires du peuple », constitué au départ uniquement de bolchéviks.
Ce texte est issu de nos Journées de Formation et de Rencontre de 2017.
En voici la première partie. Texte à retrouvé en intégralité.
La naissance d’une situation révolutionnaire en Russie.
Comment expliquer la naissance d’une situation révolutionnaire ? Pourquoi la Russie et pas ailleurs ? Dans la Faillite de la Seconde internationale Lénine dégage trois indices pour identifier une situation révolutionnaire :
1. « Impossibilité pour les classes dominantes de maintenir leur domination sous une forme inchangée ; crise du sommet, crise de la politique de la classe dominante ; […] que la base ne veuille plus vivre comme auparavant et que le sommet ne le puisse plus. »
2. « Aggravation, plus qu’à l’ordinaire, de la misère et de la détresse des classes opprimées. »
3. « Accentuation de l’activité des masses. »
Sans ces trois éléments objectifs, dont l’apparition est indépendante de la volonté individuelle ou de celle des partis et des classes, la révolution est impossible. La présence de ces trois éléments et leur interdépendance (l’un ne peut s’envisager sans l’autre) permet de définir une situation révolutionnaire propice au bouleversement politique et au renversement de l’ordre établi. A plusieurs reprises cette situation inédite s’est produite en Russie (1905, à deux reprises en 1917), pour quelles raisons ? Comment expliquer que ce pays était à l’avant-garde de la lutte révolutionnaire ?
Dans le sillage de l’œuvre de Marx il était entendu dans le mouvement social-démocrate que le développement du capitalisme créant les conditions de son propre dépassement, la révolution ne pouvait se produire que dans un pays capitaliste dit « avancé ». Lénine, tout en insistant également sur la centralité de la révolution socialiste Européenne, a envisagé un processus révolutionnaire mondial interdépendant où même les pays les moins développés pourraient progresser par étapes successives vers le socialisme, aidés par la révolution socialiste Européenne, peu importe où la révolution aurait lieu en premier (la « chaîne » par laquelle l'impérialisme capitaliste a attaché le monde, disait-il, pourrait se briser en « son maillon faible »).
En effet, en tenant compte de la situation nouvelle crée par l’impérialisme et le développement inégal du capitalisme Lénine théorisa la possibilité du déclenchement de la révolution socialiste d’une part dans un seul pays (ou un petit groupe de pays) et d’autre part dans un pays où le capitalisme ne serait pas le plus développé et où le prolétariat ne forme pas la majorité de la population. Le fait que la Russie soit un pays faiblement industrialisé n’était donc pas un obstacle à ce quel soit le berceau de la révolution socialiste.
Pourquoi la Russie était le maillon faible ?
La Russie se révéla effectivement l’anneau le plus faible de la chaîne impérialiste car elle était le point central de toutes les contradictions de l’impérialisme. C’était un pays particulier, où la toute puissance du capital côtoyait le despotisme tsariste, les vestiges du système féodal et l’oppression coloniale à l’égard des peuples non russes. La Russie était un terrain d’investissement particulièrement favorable pour les capitalistes britanniques et français qui contrôlaient une bonne partie de l’industrie nationale. Le tsarisme était la « réserve » de l’impérialisme occidental, les intérêts du Tsar se confondant avec ceux des « démocrates » occidentaux.
Le développement du capitalisme était fulgurant en Russie, ce qui a fait émerger la classe ouvrière en tant que principale force révolutionnaire. La bourgeoisie russe, étant arrivé tard sur le devant de la scène, et menacée par la classe ouvrière, était incapable de réaliser la révolution démocratique, en particulier le renversement du Tsarisme et la soumission des seigneurs féodaux, comme la bourgeoisie l'a fait en France par exemple pendant la Révolution Française. Ainsi, la classe ouvrière avait à faire le travail de la bourgeoisie, mener la révolution démocratique, et progresser vers le socialisme, en ralliant à soi, à chaque étape, des couches importantes de la paysannerie.
Si la Russie pouvait être un terreau favorable au développement des situations révolutionnaires, il convient de souligner le rôle d’évènements historiques imprévisibles, tels que la Première Guerre mondiale, qui allait donner l’occasion aux bolchéviques de prendre le pouvoir et de renverser le tsarisme. C’est en effet la première guerre mondiale qui a permis le développement des conditions objectives de la situation révolutionnaire. Lénine voyait la première guerre mondiale comme le chant du cygne du capitalisme, qui annonçait que la révolution mondiale était désormais à l'ordre du jour historique. Elle a offert aux travailleurs une alternative difficile : soit ils tuaient leurs camarades travailleurs dans les tranchées d'en face, soit ils retournaient leurs fusils contre leurs exploiteurs capitalistes (d'où le slogan Bolchévique « transformer la guerre impérialiste en guerre civile »).
La lutte entre les deux blocs impérialistes pour un nouveau partage du monde ébranla le monde capitaliste jusqu’à ces racines. Si elle fut une source d’enrichissements pour certains monopoles elle agrandit à l’extrême la misère et les souffrances des masses, elle rendit plus aigu les antagonismes de classes et intensifia la lutte révolutionnaire. La guerre affaiblissait le capitalisme mondial qui se trouvait confronté à une crise historique d’une rare intensité. C’est cet affaiblissement qui devait être exploité par tous les révolutionnaires conséquents. La Russie était particulièrement vulnérable à la poussée révolutionnaire du fait que la guerre disloqua, plus rapidement qu’ailleurs, l’organisation de la société, la vie économique et l’Etat même. Comme le faisait remarquer Lénine dans « La catastrophe imminente et les moyens de la conjurer » (Septembre 1917) : « Pour de multiples raisons historiques-retard plus considérable de la Russie, difficultés particulières résultant de la guerre, décomposition extrême du tsarisme, vitalité extraordinaire des traditions de 1905, la révolution russe a devancé celle des autres pays »
La Russie tsariste était le maillon faible dans la grande boucherie impérialiste de la Première guerre mondiale. Aucune préparation ne fut faite pour un conflit de longue haleine. L’industrie couvrait à peine un tiers des besoins en artillerie et en munitions, les armées russes mal équipées et mal commandées furent écrasées à plusieurs reprises par les Allemands et durent céder de nombreux territoires en 1914-1915. A l’arrière la situation était encore pire : pénurie générale, inflation, disettes, incurie des transports et de l’administration…. La déliquescence du tsarisme était telle que c’était des associations privées qui gérait la vie quotidienne des civils. Les consommateurs s’organisèrent, donnant une extension extraordinaire au mouvement coopératif. Sans le savoir, les Russes commençaient à se gouverner eux-mêmes.
Ainsi en 1917 toutes les conditions étaient réunies pour l’explosion sociale : un régime tsariste en décomposition, une dégradation des conditions d’existence, une montée en puissance du mouvement des masses (un million de gréviste en 1916 pour l’augmentation des salaires, une aspiration de plus en plus grande à la paix).
La maturité de cette situation révolutionnaire se mesure à l’aune de la facilité à laquelle le régime de Nicolas II s’est effondré. Le 23 février 1917 (8 mars), la grève des ouvrières de Vyborg enclenche un cycle de manifestations, contestations généralisées qui balayent en une semaine l’empire Russe. L’armée se mutine et refuse de réprimer le mouvement, toute discipline disparait, dans les campagnes l’agitation grandit, la police et la gendarmerie sont désarmées, des milices ouvrières apparaissent…. Le pouvoir, dans une majorité de villes et de localités passa à de nouvelles formes d’organisation originales, les soviet (déjà apparu en 1905), qui étaient à la fois les organes de l’insurrection armée mais aussi l’embryon d’un nouveau pouvoir en gestation, révolutionnaire. Encore à une échelle plus fine une multitude de comités d’usines, de quartiers se constituèrent. Un pouvoir à deux têtes se mit en place avec d’un côté le gouvernement provisoire (formé avec les partis représentés à la Douma tsariste) et le Soviet de Petrograd, véritable fédérateur de la contestation et des aspirations des soviet de province.
Cependant, le Soviet de Pétrograd, dominé jusqu’en septembre par des militants menchéviks (Dan, Martov) ou socialistes révolutionnaires (Tchernov, Kérenski), se contenta de se poser en organisme de contrôle de l’action du gouvernement provisoire, à qui était reconnu une sorte de primauté. Il refusa à plusieurs reprises de prendre le pouvoir, malgré sa légitimité. Cela s’explique par une erreur d’analyse du caractère de la révolution en cour. Pour les modérés la révolution russe ne pouvait être qu’une révolution bourgeoise « classique ». Il fallait donc laisser à la bourgeoisie le soin de gouverner et lui laisser les coudées franches pour réformer à sa guise le pays. Il ne fallait surtout pas l’effrayer par des mesures sociales radicales et la pousser dans le camp de la contre-révolution. Ces hommes étaient donc prêts à tous les compromis y compris à participer au gouvernement ! Ces conceptions conciliatrices et modérées rejoignent finalement les idées économistes et populistes qui avaient longtemps gangrénées le mouvement social-démocrate en Russie. Pour les menchéviks les ouvriers ne devaient pas s’occuper de politique, pour les socialistes-révolutionnaires, les ouvriers ne pouvaient représenter la force dirigeante du mouvement.
Ce faisant, le gouvernement provisoire trahi rapidement la révolution en s’asseyant sur les aspirations démocratiques d’un peuple épuisé par trois ans de conflit :
- Aux soldats qui voulaient rentrer chez eux ou du moins que cesse la discipline barbare de leurs officiers aristocrates le gouvernement répondit en continuant la guerre avec vigueur.
-Aux paysans (souvent enrôlé dans l’armée, 85% des 14 millions d’hommes mobilisés) qui aspiraient au partage des terres des grands domaines fonciers le gouvernement adressa une fin de non-recevoir.
-Aux ouvriers il refusa la journée de huit heures et les augmentations de salaires.
-Aux « allogènes » (peuples minorisés et colonisés par l’Empire Russe) il ferma toute possibilité d’autonomie ou d’indépendance.
Les hommes du gouvernement provisoire ne voulaient en rien bouleverser l’ordre économique et social, seulement rénover l’Etat et gagner la guerre. Par leur refus de satisfaire aux revendications du peuple ils hâtèrent sans le savoir leur fin rapide et démontrèrent par la même que la bourgeoisie russe était incapable de mener à bien les réformes démocratiques. La bourgeoisie cherchait uniquement à réaliser ses propres objectifs de classe, souvent opposés à ceux des classes laborieuses : elle voulait la poursuite de la guerre impérialiste, elle n’entendait pas fléchir l’effort de guerre. Craignant une contre-révolution monarchique elle s’opposa à toute réforme progressiste. Poussant les classes populaires à l’exaspération elle fut balayée.
Rapidement la popularité du gouvernement provisoire s’effondre dès avril avec la note de Milioukov. Cependant les ministres « socialistes » tentent de ranimer la flamme en rentrant directement au gouvernement (Cernov, Ceretelli, Kerenski). Ils promirent la paix sans annexions, la démocratisation de l’armée, la défense des droits des travailleurs et une réforme agraire. Cependant ils furent incapables de mener à bien ce programme irréaliste et illusoire. Prisonnier de leur engagement envers les alliés ils poursuivirent la guerre sans apporter une quelconque amélioration au peuple. Progressivement le gouvernement provisoire cessa d’exercer la réalité du pouvoir, tandis que le pays sombrait dans l’anarchie et le chaos. Des hordes de déserteurs se répandaient dans les campagnes, l’économie s’effondrait, les paysans commençaient déjà à s’emparer des terres, les villes se gouvernaient par elles-mêmes grâce à leur soviet, les hauts gradés complotaient pour le retour à un pouvoir fort et autoritaire (le gouvernement provisoire ne dut son salut face à Kornilov que grâce à l’intervention des ouvriers et des bolchéviques). Même les classes possédantes cessèrent de croire en son succès et refusèrent de souscrire aux emprunts d’Etat.
C’est donc un pouvoir en complète décomposition et impuissant, qui tombe presque sans résistance, dans la nuit du 24 au 25 octobre 1917.
Dieter Klauth, MLPD rédaction spécialisée en histoire du Rote Fahne, N ° de publication A10 pour la «Discussion sur Internet internationale sur l'importance de la révolution du 100 octobre», 28 août 2017
L'évaluation du rôle de Staline dans et pour la Révolution d'Octobre est d'une grande importance toujours actuelle pour le mouvement Révolutionnaire international.
En raison de son bannissement au cercle polaire depuis 1913, Staline avait été exclu du travail de parti – seulement la Révolution bourgeoise-démocratique de Février 1917 lui apporta la liberté. Contrairement à certaines exagérations qui furent diffusées ultérieurement par son entourage, il constata lui-même en 1926 : « Finalement je me souviens de l'année 1917 lorsque je fus envoyé à Leningrad, par la volonté du parti, après mes séjours dans des prisons et lieux de banissement. Là, dans le cercle des ouvriers russes, dans la proximité immédiate du grand maître des prolétaires de tous les pays, du camarade Lénine, dans la tempête des grandes batailles entre le prolétariat et la bourgeoisie, sous les conditions de la guerre impérialiste, j'ai pour la première fois appris à comprendre ce que signifie être un dirigeant du grand parti de la classe ouvrière. ...Là, en Russie, je suis devenu, sous la direction de Lénine, un maître de la Révolution. » (Stalin, Werke, t. 8, p.155-156 ; TDLR) Au cours de son activité Révolutionnaire, entamée en 1898, Staline mena, outre son rôle d'organisateur inlassable de luttes ouvrières avant 1917, un débat idéologico-politique dans deux domaines qui étaient de la plus haute importance pour le succès ultérieur de la Révolution d'Octobre.
La solution de la question paysanne fut le problème principal de la stratégie et tactique révolutionnaires en Russie tsariste. Sur l'exemple de Lénine, dont le premier ouvrage théorique s'occupa du développement de l'agriculture, Staline reprit cette question à temps. Il s'opposait à des idées illusoires du parti des sociaux-révolutionnaires, qui voulaient développer un « socialisme » à partir des villages en distribuant des terres, sans mettre en cause le mode de production capitaliste. Il souligna l'importance des paysans comme alliés principaux contre les idées opportunistes des Menchéviks qui accordaient le rôle dirigeant dans la lutte contre le tsarisme à la bourgeoisie. Sans satisfaire les revendications de terres des paysans par l'expropriation révolutionnaire des grandes propriétés foncières, la réalisation de la Révolution d'Octobre n'aurait pas été possible. Ce faisant, il était évident que la création de millions de fermes individuels ne pouvait, tout d'abord, pas présenter un mode de production socialiste – mais l'agriculture était soumise à la direction politique du prolétariat, à la dictature démocratique des ouvriers et paysans. En 1906, Staline souligna: « Il faut poser chaque question de façon dialectique, c'est-à-dire, nous ne devons jamais oublier que tout change, que tout a son temps et son lieu, et que, en conséquence, nous devons poser les questions aussi en concordance avec les conditions concrètes. Cela est la première condition préalable pour la solution de la question agraire. » (Stalin, Werke, t. 1, p. 204 ; TDLR) Trotski par contre proclama en 1917 de façon unilatérale „À bas le tsar, à nous le gouvernement ouvrier ». Il considérait la dictature du prolétariat être dirigée contre les paysans, ce qui fut rejeté par Lénine et Staline.
La deuxième clé pour la réalisation avec succès de la Révolution d'Octobre fut la solution correcte de la question nationale. À cette fin, Staline avait, en 1913, par son ouvrage fondamental « Le marxisme et la question nationale », mené des batailles préliminaires idéologiques importantes pour les Bolchéviks . En mars 1917, il présenta un « plan positif » sur cette base : « La base sociale de l'oppression nationale, du pouvoir qui l'inspire, c'est l'aristocratie provinciale en déclin ... Écarter l'aristocratie féodale de la scène politique, lui arracher le pouvoir – cela signifie justement liquider l'asservissement national et créer les conditions factuelles nécessaires à la liberté nationale. Il s'agit de proclamer donc : 1. l'autonomie politique (pas fédération) des territoires qui forment un territoire économique clos avec un mode de vie particulier et une composition nationale de la population, et où la 'correspondance » et les 'cours' doivent avoir lieu en langue maternelle ; 2. le droit à l’autodétermination pour ces nations qui pour l'une ou l'autre raison ne peuvent pas rester dans le cadre d'un ensemble étatique. » (Stalin, Werke, t. 3, p. 15-18 ; TDLR) Il s'ensuit que Staline devint commissaire (= ministre) aux affaires des nationalités après la Révolution.
Dans la stratégie et tactique pour la transition de la révolution bourgeoise-démocratique à la révolution socialiste, les Bolchéviks avaient temporairement fait preuve d'incertitudes au début de 1917 qui furent surmontées, après le retour de Lénine de l'exil, par ses thèses d'avril. Staline constata de façon autocritique : « En tâtant, le parti essaya d'arriver à cette nouvelle orientation. Il suivit une politique de pression par les Soviets sur le Gouvernement Provisoire dans la question de la paix, et ne put pas se décider de faire immédiatement le pas en avant … vers le nouveau mot d'ordre ' Pouvoir des Soviets '... Cette conception erronée, je l'ai partagée à l'époque avec d'autres camarades du parti, et ce fut seulement à la mi-avril que j'ai rompu complètement avec elle, lorsque je me suis associé aux thèses de Lénine. » (Stalin, Werke, t. 6, p. 298 ; TDLR)
Lors du congrès de parti suivant en mai, Staline fut réélu au Comité central après cette longue période de bannissement, et travailla dans son bureau politique comme collaborateur le plus proche de Lénine. Lorsque, après l'insurrection échouée de juillet 1917, les Bolchéviks furent de nouveau contraints à la clandestinité et que Lénine dut quitter le pays, il assuma la direction opérative du parti. Le coup militaire de Kornilov en août 1917 aggrava la situation. Dans les mémoires de Stanislav Pestkovski, publiés en 1922, est dit à ce propos : „Dans les jours de l'affaire de Kornilov, je rencontrais souvent Staline dans l'institut Smolny … Là, je constatai que le travail principal pour préparer la Révolution d'Octobre avait été fourni par trois membres du comité central, Staline, Swerdlov et Dzerjinski. Le comité de Petrograd et l'organisation militaire travaillaient sous leur direction. Ce fut Staline à qui avait été confié la direction exclusive du côté politique des préparations. De même, il fut le directeur de l'organe du parti … aucune conférence de parti, aucune réunion organisationnelle de quelconque importance eurent lieu sans que Staline y prît la parole. Par conséquent, les membres actifs du parti le connaissaient très bien. »* Cependant, Staline fut moins connu du public – ce qui résultait dans le fait que des observateur extérieurs comme par exemple John Reed dans son livre « 10 jours qui ébranlèrent le monde » méconnurent le rôle réel de Staline et mirent plutôt Trotsky en lumière. Seulement au 6e Congrès en août 1917, Trotski, sur la proposition de Staline, fut admis au parti. Au même congrès fut rejeté la motion inspirée par Trotski qui disait de prendre les mesures pour la prise de pouvoir seulement après le succès de la révolution en Europe de l'Ouest. Lorsque plus tard Trotski tenta de se présenter comme le véritable dirigeant de la Révolution d'Octobre, Staline constata de façon lapidaire : « Portons-nous maintenant vers la légende quant au rôle particulier de Trotski lors de l'insurrection d’octobre. Les Trotskistes s'affairent à diffuser la rumeur que Trotski aurait été l'inspirateur et le dirigeant unique de l'insurrection d'Octobre … Loin de moi l'idée de vouloir contester le rôle sans doute important de Trotski lors de l'insurrection. Cependant je dois dire que Trotski, lors de l'insurrection d'Octobre, avait en aucun cas joué en rôle particulier ni aurait pu le faire, qu'il a, en tant que président du Soviet de Petrograd, seulement exécuté la volonté des instances données dans le parti qui avaient dirigé chaque pas de Trotski. » (Staline, Werke, t. 6, p. 293 ; TDLR) En réalité, le comité de cinq camarades, qui avait été élu pour la direction imminente de l'insurrection, fut composé de Sverdlov, Dzerjinski, Bubnov, Ouritski et Staline – Trotski reçut de celui-ci ses instructions.
Dieter Klauth, MLPD rédaction spécialisée en histoire du Rote Fahne
http://rocml.org/face-aux-attaques-de-la-bourgeoisie-la-france-insoumise-diffuse-des-illusions/
Avec l’élection d’Emmanuel Macron à la tête de l’Etat, c’est une nouvelle étape qui est franchie pour mettre en place une nouvelle offensive contre les acquis et les conditions de vie des salariés. Le mouvement ouvrier, qui s’est mobilisé en 2016 contre la loi El Khomri, va encore devoir batailler ferme pour empêcher les ordonnances Macron d’être appliquées. Dominé par les idées réformistes dans les revendications syndicales comme dans la lutte politique, le mouvement ouvrier ne dispose pas actuellement des outils pour vaincre le gouvernement Macron, bien disposé de son côté, à mener la guerre de classe(1).
Mélenchon, la France Insoumise et le PCF ne sont pas la direction politique qu’il faut au mouvement ouvrier pour vaincre l’offensive du capital. Ce n’est pas pour rien que depuis qu’il n’existe plus de parti communiste digne de ce nom en France, le mouvement ouvrier n’a subi que des défaites. Pourquoi le réformisme mène-t-il les travailleurs à la défaite ?
Du côté économique, il ne se borne qu’à la critique des excès et de certaines politiques du système capitaliste mais ne condamne pas ce système dans son ensemble : « Nous adapterons désormais le système aux êtres humains et non plus l’inverse »(2). Adapter le capitalisme et non pas renverser et détruire ce système qui est basé sur la propriété privé des entreprises ne peut amener qu’à l’enrichissement d’une minorité d’individu au détriment d’une large majorité de la société, voilà le mot d’ordre de la France Insoumise. Bien entendu, ce point de vue ne permet pas de comprendre la crise du capitalisme et son fonctionnement. Pour Mélenchon, la crise n’est pas celle du système capitaliste mais est due à la politique de l’Offre et au pouvoir des actionnaires. Ainsi, une autre politique serait possible. Bien entendu, une alternative est possible mais pas dans le cadre de ce système. Et Mélenchon a faux sur toute la ligne. Le capital français tente de faire face à la crise et à ses concurrents en détruisant les conditions de vie et de travail des salariés afin de les rendre compétitifs face aux salariés chinois, allemands… L’objectif derrière est de maintenir les profits des grandes entreprises françaises. Celles-ci n’agissent pas par méchanceté envers les salariés mais parce que sous le capitalisme, pour qu’une entreprise survive et se développe, il faut qu’elle réalise des profits, les plus élevés possibles face à ses concurrents. Aucune politique ne peut donc empêcher le capitalisme de se restructurer dans ce sens. Au contraire, en faisant croire qu’il existerait une autre politique possible dans le cadre du capitalisme français, la France Insoumise maintient des illusions et empêche l’émergence d’un front anticapitaliste, qui veuille organiser les travailleurs pour contrer l’offensive du patronat par un puissant rapport de force.
Au point de vue international, Mélenchon ne fait pas une critique fondamentale de la politique menée par la France que nous qualifions, nous les communistes, d’impérialiste. Au contraire, la France Insoumise par la voix d’A. Corbières est venue au secours de l’armée et du général De Villiers estimant que « les conséquences de l’austérité sur l’armée sont intolérables. Le « coup de gueule » du général de Villiers est légitime »(3). Ce que ne disent pas nos apprentis militaristes, c’est que ces 850 millions d’économies se font sur des équipements militaires de combat offensif, c’est-à-dire sur du matériel servant aux interventions militaires. De plus, Macron ne renonce pas à porter à 2 % du PIB le budget des armées et de la « Défense ». La question que tout travailleur doit se poser est plutôt à quoi sert ce budget de l’armement ? Bien entendu, à cela le pâle imitateur de Jean Jaurès qu’est JL Mélenchon ne répond pas. Il n’explique pas pour quelle raison l’armée française intervient à l’extérieur. Si dans son programme la FI dit vouloir mettre fin à la Françafrique, elle ne revendique pourtant pas la fin des interventions françaises en Afrique et la fermeture de toutes ses bases sur ce continent(4). Au contraire, A. Corbières apporte son soutien au général De Villiers, ce représentant de tout ce que la France a de réactionnaire et d’impérialiste. Issu d’une famille de la noblesse et frère du politicien raciste et islamophobe Philippe de Villiers, le général de Villiers a commandé les troupes françaises partout où elles sont allées semer la mort pour augmenter leurs précarrés économique et stratégique : le Kosovo, l’Afghanistan, l’Irak, la Syrie, la Centrafrique, le Mali, les pays du Sahel…(5) Et à l’intérieur du pays ? La FI soutient-elle le maintien de l’état d’urgence et la militarisation de la société ? La vague de répression contre les mouvements ouvriers et démocratiques est aussi à lier à la place de plus en plus centrale qu’occupe l’armée dans la société. Plutôt que de dénoncer le rôle de cet instrument pour l’Etat capitaliste-impérialiste, Mélenchon ne fait que tromper les gens et attiser leur chauvinisme et nationalisme. L’intérêt des travailleurs est pourtant de dénoncer l’utilisation des armées pour l’intérêt économique et stratégiques des grandes entreprises et de l’Etat capitaliste, au détriment des peuples d’Afrique et d’Asie. Plutôt que dénoncer une petite baisse du budget des armées, les communistes dénoncent le manque d’argent pour l’éducation, la santé, la culture. Plus de 4 milliards d’euros d’économie sont prévus sur la santé en 2018 par rapport aux estimations des besoins réels(6).
Enfin, au point de vue politique, La FI fait l’erreur opportuniste classique mais inacceptable sur l’Etat et la prise du pouvoir. En effet, Mélenchon estime que l’Etat est au-dessus des classes sociales et qu’il peut être conquis au moyen des élections afin de mettre en place une politique favorable aux travailleurs. C’est absolument faux et répandre de telles idées, c’est entretenir des illusions sur l’Etat. Comme l’expliquaient K. Marx et Lénine, « L’Etat est un organisme de domination de classe, un organisme d’oppression d’une classe par une autre ; c’est la création d’un « ordre » qui légalise et affermit cette oppression en modérant le conflit des classes »(7). « Nous sommes pour la république démocratique en tant que meilleure forme d’Etat pour le prolétariat en régime capitaliste, mais nous n’avons pas le droit d’oublier que l’esclavage salarié est le lot du peuple, même dans la république bourgeoise la plus démocratique »(8). Il est bien vrai que dès que les salariés se révoltent, ils sont ramenés à la légalité bourgeoise ou réprimés violemment pour avoir osé revendiquer des mesures « plus justes ». Le mouvement contre la loi El Khomri a montré que le pouvoir bourgeois n’avait rien d’autre à proposer que la force aux manifestants. La démocratie n’était pas réelle pour l’immense majorité des salariés mais simplement au service des patrons. Même dans un rapport de force favorable pour les travailleurs, les moments favorables pour obtenir des acquis sous le capitalisme sont faibles et nécessitent une force politique très organisée et souvent révolutionnaire : en 1936, en 45 et en 68. Contrairement à ce qu’affirment les réformistes, la tête de l’Etat ne peut pas être conquise par les élections car la domination économique, politique et militaire de la bourgeoisie est trop forte. Pour instaurer un pouvoir ouvrier et populaire, il faut un parti qui organise les travailleurs et qui lutte pour renverser définitivement le pouvoir économique et politique du capital. Pour cela, la voie électorale est impossible : elle est illusoire.
(1) Il suffit de voir les mesures répressives avec la reprolongation de l’état d’urgence, les répressions de diverses manifestations : à Bure contre l’enfouissement des déchets nucléaires, à Bordeaux contre un local antifasciste, dans les divers rassemblements du front social…
(2) Généreux J., Les bonnes raisons de voter Mélenchon, Les liens qui libèrent, Paris, 2016, 174 p., p. 55.
(3) « Budget des Armées: Le général de Villiers sera reçu vendredi par Emmanuel Macron », 20 minutes, 16 juillet 2017
(4) https://avenirencommun.fr/livret-garde-nationale-defense/
(5) https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_de_Villiers_(militaire)
(6) « Santé : plus de 4 milliards d’économies en 2018 », Les Echos, 27/06/2017.
(7) Lénine, L’Etat et la révolution, Editions sociales, Paris, 1975, p. 12.
(8) Idem, p. 30.
http://rocml.org/affaire-theo-communique-de-soutien-aux-lyceens-en-lutte/
Ce 23 février 2017, de nombreux lycéens ont bloqué et manifesté à Paris pour contester les violences policières et plus particulièrement en soutien à Théo, violé et battu par des policiers lors d'un contrôle. Ils étaient plus d'un millier à se rassembler ce matin, place de la Nation, et clamer leur colère face à l'impunité des forces de l'ordre et l'injustice dont la jeunesse populaire est encore une fois victime. Au total, 16 lycées parisiens ont été totalement bloqués à l'initiative des jeunes. Le ROCML et la JCML soutiennent sans conditions et participent avec leurs forces à toutes les manifestations qui dénoncent les injustices commises dans l'impunité totale par les forces de l'ordre capitaliste. Les événements récents sont encore une fois la preuve qu'il existe une justice de classe dont les jeunes des quartiers populaires paient le prix fort. Nous demandons le retrait immédiat des poursuites contre les lycéens qui ont été arrêtés. Nous condamnons avec force l'intimidation opérée par la Préfecture de Police de Paris sur les réseaux sociaux et médiatiques pour briser tout élan de lutte collective entamée par la jeunesse, utilisant des procédés à la limite de la légalité. Ceci prouve que ce mouvement comme tous ceux qui portent les mêmes revendications inquiètent l'ordre social existant.
Unité populaire contre la barbarie policière !
Des quartiers populaires aux ouvriers d'air France et Goodyear luttons ensemble contre les répressions !
Barbarie ou communisme !
En ce 70ème anniversaire de la victoire sur l’Allemagne nazie, rendons un hommage sincère et fraternel à tous ces hommes et ces femmes, soldats, pilotes, partisans, commissaires…, de tous les pays qui on participé à la victoire de l’Union Soviétique et des Alliés dans la guerre la plus dure et la plus sanglante de toute l’histoire de l’humanité contre la barbarie fasciste.